Conte N°1 Présentation 

Flora Byton et le Jeteur de Sorts

Chapitre 1 - Le désastre d’Orzely

 

Dans les collines de l’Oberland aux confins de la Pologne, Flora Byton, une paysanne de treize ans, vivait dans une fermette en bois aux volets bleus. Les murs ornés d’arabesques aux motifs floraux, semblables à ceux de Zalipie, son village d’origine, s’harmonisaient dans un paysage verdoyant.

Ses parents, Marysia et Filip Byton possédaient Le Nectar, un magnifique verger biologique, situé aux alentours du village d’Orzely. Il provenait de l’héritage familial de Marysia, agricultrice émérite, de trente- deux ans. Celle-ci perpétuait la tradition ancestrale de sa mère, Ewelina, et de son père Igor Korfanty, décédés accidentellement depuis un an.

En raison de la tragédie, l’interdiction de pénétrer dans le verger demeurait constant pour Flora.

Ainsi, sa mère se consacrait aux tâches agricoles avec une dizaine de salariés permanents.(…)

Son mari Filip Byton, trente-cinq ans, marin-pêcheur, naviguait en mer Baltique sur son chalutier, L’Abondance, franchissant les hautes vagues du Golfe de Botnie jusqu’à la Mer du Nord.

En ce matin d’été, Flora inquiète se leva à l’aube. Depuis des semaines, Orzely devenait la cible de phénomènes étranges durant les nuits orageuses. Des hurlements terrifiants résonnaient autour des hameaux.

Tétanisés, les villageois se terraient chez eux. Kresnik, le dieu des orages est en colère, jasèrent les superstitieux.

Les lendemains, ils découvraient leurs bêtes massacrées ou égarées, les enclos ravagés, preuves des combats nocturnes acharnés.

D’après les orzelysiens, ces faits provenaient certainement des hordes de brigands se déplaçant en bande organisées.

– Montons une milice ! Armons-nous ! s'insurgeaient des citoyens exaspérés.

Étrangement, aucun signal de ces désastres n’apparut dans les villages aux alentours.

Les tragiques événements se produisaient uniquement dans Orzely, au grand dam du jeune maire de vingt-neuf ans, Olaf Banderust.

Des panneaux d’avertissement de la mairie se déployaient dans chaque coin de la ville : « Fermez vos portes, et vos volets dès la tombée de la nuit ! Ne sortez pas de chez vous ! La municipalité déclinera toute responsabilité. »

Un climat anxiogène se propageait.

Flora se doucha, enfila sa salopette et sorti d’un coffret vernis une barrette formant un papillon. Coquette, l’enfant coiffa sa longue chevelure, puis attacha sa touffe de cheveux violette à sa barrette.

– Elle ressemble à des pivoines au milieu d’un champ, plaisanta Marysia, la veille, en brossant sa mèche surmontant sa longue crinière noire.

Cependant, cette houppette naturelle ne lui procurait que des ennuis. Plus elle la coupait, plus celle-ci repoussait.

Flora se souvint de son premier jour d’école, où elle revint en larme chez elle.

– Que t’arrives-t-il ma chérie ? s’étonna sa mère intriguée.

– A la récréation, une élève m'a traité de sorcière en montrant ma mèche.

– C’est une sottise ! Cette touffe de cheveux est génétique comme celle de ta grand-mère, Mama Ewelina.

– Tous les élèves se moquent de moi ! révéla Flora bouleversée.

– N’exagères-tu pas ? Cesses de pleurer.

– Je subis toujours leurs reproches, réitéra-t-elle, en se mouchant.

Marysia réfléchit.

– Je vais t'aider à te débarrasser de leurs mauvaises influences. Tu t’approcheras d’eux et croiseras les deux doigts de chaque main, tout en leur disant : « Arrêtez de m'embêter ou je vous jetterais un sort !  » 

Le regard stupéfait de sa fille la troubla.

– Euh… tu m’avertiras si cela ne fonctionne pas, manifesta-t-elle en mettant fin à la conversation.

Le lendemain, à la fin de sa journée scolaire, Flora eut une désagréable surprise. Sur la route de son domicile, les jumelles, Ewa et Lidia Kozak embêtèrent la paysanne.

– Tu vis dans la campagne dans un coin paumé comme une bouseuse, critiqua Lidia.

– Je suis fière d’être la fille d’une paysanne, et je nettoie toujours mes chaussures, répondit Flora fermement.

– Nous habitons dans le centre-ville d’Orzely, comme des citadines, propres, sans bourse de vaches aux pieds ! continua Ewa.

– Et d’ailleurs, c’est grâce à des paysans que tu bois du lait de brebis ou de vache chaque jour ! répliqua Flora.

– Bouseuse ! Bouseuse ! crièrent les fillettes.

Soudain, Flora mis à profit les recommandations gestuelles de sa mère.

– Arrêtez ou je vous jette un sort ! s’écria-t-elle.

Les deux sœurs éclatèrent de rire.

– En ben, tiens en attendant ! argua Lidia, en lui lançant des pétales de fleurs violette sur la tête, alors qu’Ewa l’arrosa d’un verre d’eau en ajoutant.

– Elles ont la même couleur que ta sale mèche, riposta Ewa.

– Donc, elles t’appartiennent ! argua Lidia.

Puis, elles détalèrent en riant.

(…)

Tous droits réservés par J JASE-BEEP 

Publication du conte en 2023